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NOUVELLE RECEPTION DE LA POETHEQUE-PAPIER MACHINE N°13

Ce que l’on apprécie particulièrement dans cette revue, c’est son côté provocateur, désopilant, déconcertant … Cette manière de choisir un mot et d’en explorer toutes les facettes, d’en jouer, d’en jouir … Après Souffle, Trappe, Manche, Coin, Œuf, Tourniquet, Eponge, Corne, Plateau, Loupe, Paillasson, Grue … voici le mot COUETTE mis à l’honneur.

La COUETTE, c’est d’abord un mot.

En guise de préface, Valentine BONOMO nous entraîne avec elle sur le chemin d’expressions et dictons utilisés couramment, et nous conseille de nous méfier de ces « mots qui dorment ».

Jean-Pierre MONFRANCAIS avec son « Laboratoire linguistique », nous parle du mot CHOUETTE en tant que « tic de langage », ces petits mots ou expressions que l’on utilise pour meubler les blancs dans la conversation.

Arthur LACOMME nous apprend que le mot édredon provient du danois ederdun et signifie « duvet de l’eider », espèce protégée de canard sauvage qui vit principalement dans les contrées froides d’Islande, du Québec et du Groenland. Espèce dotée d’un duvet unique qui lui permet d’affronter les eaux glacées.

Tandis que Leslie DOUMERX et Rozenn QUERE s’amusent en jouant avec les différents sens de notre mot. Car la couette n’est pas seulement un édredon, mais aussi une pièce de métal utilisée en mécanique, une glissière en bois utilisé pour le lancement d’un navire, le nom vulgaire de la mouette, une touffe de cheveux attachés….

La COUETTE ne se contente pas d’être un nom commun. Savez-vous que certains personnages portant le nom ou le surnom de Couette ont joué un rôle dans notre histoire. C’est le cas de Marie BLUET, surnommée Marie COUETTE que Lola AVRIL nous fait connaître dans son article « Fragments d’un discours militant », qui mena de nombreux combats et fut, entre autres, fondatrice de l’Union des femmes françaises en 1945.

La couette, c’est aussi ce que l’on pourrait nommer un « linge de nuit », étroitement lié aux activités de notre corps et en particulier de notre vie sexuelle Petra Van BRABANDT nous confie ses souvenirs liés à la couette, sa première couette reçue au pensionnat, l’émergence du désir et de la sensualité, la place du lit dans la sexualité.

Tandis que Clémentine MORINEAU, évoquant la ballade anglaise Scarborough Fair popularisée par Simon and Garfunkel, dans laquelle un homme demande que sa bien-aimée lui fabrique une chemise en batiste, nous parle de son métier de tapissière et la confection des coussins dont la toile d’enfourrage a longtemps été en batiste (encore appelé cambric). Les pratiques changent avec les années, mais l’on confectionne toujours des housses en cambric, appelées couettes, qui retiennent un bloc de mousse synthétique revêtu de deux sachets de plumes.

Et c’est par des photos de Vitalia SAMUILOVA dans « Porter » que nous découvrons la charge lourde des porteurs de ballots de linge, qui longent rues et trottoirs, le dos plié sous la charge.

Il est encore question des rapports entre le corps et la couette dans l’article de Lucie COMBES qui évoque la vente des cheveux dans certains pays. L’on apprend ainsi qu’au marché noir, en Amérique latine, les couettes en cheveux se vendent jusqu’à 200 euros !!!

La COUETTE renvoie aussi à la nuit. C’est ainsi que Jérôme FOA nous évoque la nuit de la Saint Barthélémy et la mort de Géraud du LAUR, le 3 octobre 1572. Au lendemain des tueries de la Saint Barthélémy, le lit est souvent l’unique meuble encore aux mains des huguenots. Chez Maryse Roubert, veuve de G. Du LAUR, les voisins ont tout emporté laissant juste qu’ung petit lict et une couchette sans couet ny coussin.

Samuel CHALLEAT, membre de l’Observatoire de l’environnement nocturne, étudie notre rapport à l’obscurité, ce voile de la nuit, illustré par Charles RONZANI, qui nous retourne vers nous-mêmes, vers l’intériorité fuyante de notre être. Et d’évoquer les habitants de l’île de la Réunion, qui emploient le terme fénoir pour désigner l’opacité vivante de cette île-jardin. Le fénoir joue un rôle structurant pour les habitants et dessine leur rapport au monde.

La nouvelle « 33976 » écrite par Jean-Bastien TINANT nous plonge dans un univers onirique au cœur d’une nuit d’hiver… Mais il n’y a pas que les humains cachés la nuit sous leur couette, les cafards s’y blottissent aussi dans cette courte nouvelle de Chloé MARTINACHE « Mille milliards de cafards » qui nous immergent dans un monde futuriste, déserté par l’homme.

STEINER & STEINER avec « Chapitot », nous dévoile un jeu d’ombres et lumière autour du drap, du linge de nuit, tandis que Ana MEJIA-ESLAVA se démène dans les affres de la nuit avec ses dessins « Quand viendra le sommeil » et que Sixtine JACQUART revêt « La Somnambule » de sa couette.

La COUETTE nous renvoie également à la mer. Régine VANDAMME dans un article intitulé « In memoriam », nous dresse un inventaire de poissons disparus ou en voie de disparition, tandis qu’Hortense FERRAND nous parle des poteries au fond des océans, qui seraient fabriquées par les poulpes.

La mer nous apparaît aussi dans l’illustration de Dorothée RICHARD « Underwater » avec la nageuse totalement enveloppée dans sa couette d’eau ou celle de Julie CAMUS liant cheveu et mer dans « On aurait qu’à dire que tes cheveux c’était la mer » …

De COUETTE à CHOUETTE, il n’y a qu’une lettre, un H, autant dire une plume en forme de H.  Et voilà, si on le supprime ce H, dans le texte de William BURROUGHS « Howl », cela donne OWL, c’est-à-dire, en anglais, la chouette, le hibou. Nicholas RICHARD nous explique comment  Howl, ou Owl, est un poème édité par le célèbre poète américain, emblématique de la « beat-generation », William BURROUGHS en 1955. Howl, qui signifie Hurlement, est un long poème en quatre chants, le cri de Howl c’est celui de l’homme moderne enfermé dans sa prison mentale …

Papier machine ne connaît pas la page blanche. Il guide ses plumes jusqu’à la page 76 où il se pose quelques instants pour chercher, dans les pages 76 de divers livres, un texte en lien avec notre thème. Puis il poursuit son chemin, de pages en pages, de plumes en plumes, avec humour et fantaisie.

Dans ce recueil, toutes les illustrations parlent d’elles-mêmes, prenant ainsi leur place parmi les textes, et tenant lieu d’articles. Bouquet final, le dessin humoristique de Martin WAUTIE mettant en scène humains et animaux dans un dialogue à la fois tendre et cocasse.

En conclusion, une revue remarquable par son originalité, sa fantaisie, même si, parfois l’on ressent quelque difficulté à établir un lien entre le thème général et le choix de certains textes (ou illustrations) qui l’accompagnent. Il faut parfois savoir émerger de sa « couette cérébrale » et se questionner pour comprendre.

A découvrir et à lire donc, sous la couette et par-dessus la couette …. Une revue très … très … très chouette …

MNG

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